Les femmes exploratrices existent. Elles font comme les explorateurs. Elles vont dans tous les pays
et toutes les villes du monde pour découvrir et s'enrichir.
Louise Eugénie Alexandrine Marie David, plus connue sous son
nom de plume Alexandra David-Néel, est née le 24 octobre 1868 à Saint-Mandé dans le Val-de-Marne.
Dès son plus jeune âge, Alexandra s’enfuit : elle fugue constamment pour s’éloigner de son éducation
catholique stricte, de ce milieu bourgeois dans lequel elle est élevée, de l’ennui constant dans lequel elle a l’impression de vivre. Elle s'essaie ainsi à l'aventure : multipliant les fugues,
elle en tire très vite ses premiers enseignements : il faut se libérer du corps et apprendre à le maîtriser.
A sa majorité, Alexandra quitte sa famille et voyage de Paris à Londres, où elle fréquente des
sociétés secrètes, les milieux anarchistes et féministes. Elle s'installe finalement à Paris et entreprend en auditeur libre des études en Sorbonne, aux Langues Orientales et au Collège de
France. Elle poursuit également des études musicales et lyriques, Sur la scène de nombreux théâtres, elle obtient un succès certain en interprétant divers rôles: entre autres, Marguerite de
Faust, Manon de Massenet et Carmen de Bizet. Cependant, après avoir rempli son contrat à l'opéra d'Athènes, Alexandra abandonne cette carrière qu'elle n'aime pas, éternellement insatisfaite. Elle
préfère l'écho lointain de l'Angélus, et plus encore, celui des gongs qui, là-bas, dans les monastères tibétains, appellent à la méditation.
Alexandra ne peut oublier, en effet, cette "prenante musique tibétaine" entendue pour la première fois au nord de
l'Inde. C'est vers 1890-1891, grâce à un héritage légué par sa marraine, qu'elle a pu pendant plus d'une année parcourir l'Inde du sud au Nord et d'Est en Ouest. Elle est
fascinée par la magie de l'Inde, envoûtée par la musique tibétaine, émerveillée par les sommets de l'Himalaya, Alexandra veut y retourner.
Arrivée à Tunis avant le grand départ, la halte sera plus longue. Elle y
rencontre un distingué et séduisant ingénieur des Chemins de Fer : Philippe Néel, qui la persuade de mettre fin à son célibat. C'est en 1904, Alexandra a 36 ans et devient Madame David-Néel.
Cependant, ce statut de femme au foyer ne lui convient pas, au bout de quelques mois seulement, Alexandra est au bord de la dépression. Son mari comprend que le démon du voyage habite encore et
toujours son épouse. Il lui propose alors un lointain voyage. Enthousiaste, elle accepte la proposition. Mais avant de gagner l'Inde, elle fait un petit détour par l'Angleterre,
car elle veut se perfectionner dans une langue qui lui est indispensable pour ses études orientalistes. Nous sommes en août 1911, sur le quai d'embarquement, Alexandra promet à ce "compréhensif
mari" de regagner le domicile conjugal dix huit mois plus tard...
Arrivée au Sikkim en 1912, où des liens de très étroite amitié l'ont liée à Sidkéong Tulku, souverain
de ce petit état himalayen, elle a visité tous les grands monastères, augmentant ainsi ses connaissances sur le Bouddhisme et plus précisément sur le Bouddhisme tantrique. En 1914, elle adopte le
jeune Aphur Yongden. Tous deux décident de se retirer à 3900mètres d'altitude.
Elle pénétrera jusqu'à Jigatzé, l'une des plus grandes villes du sud du Tibet, mais pas encore à Lhassa, qui en est la capitale interdite (mais aussi son objectif
secret). A cause de ces incartades, Alexandra sera expulsée du Sikkim en 1916.
Alexandra et son fils poursuivent l'aventure. Revenir en Europe en pleine guerre 14/18 était
impossible. Ils resteront donc quelques mois en Inde et s'embarqueront ensuite pour le Japon.
Ce pays la déçoit.
Alexandra va donc se réfugier dans l'étude et rencontrer dans ce but des orientalistes et des érudits
comme le moine philosophe Ekaï Kawaguchi qui va lui apporter une lueur d'espoir.
Quelques années auparavant, sous le déguisement d'un moine chinois, il a réussi à demeurer quelque 18
mois à Lhassa. Cette histoire passionne Alexandra et lui donne des idées...
Ils quittent donc le Japon et embarquent pour la Corée. Tous deux, en compagnie d'un
Lama très excentrique, vont traverser dans de grandes difficultés toute la Chine d'Est en Ouest. Ils visitent le Gobi et la Mongolie. Après trois années d'études passées au
monastère de Kum-Bum, vêtue d'une robe de mendiante et pour Yongden de son habit de moine, ils franchiront, cette fois avec succès, la frontière de ce si mystérieux Tibet. Après bien des péripéties ils arriveront à Lhassa en 1924. Ils y séjournèrent deux mois. Mais Alexandra David-Néel est
finalement démasquée, elle commet, à Lhassa même, l'imprudence de se rendre chaque matin à la rivière pour faire un brin de toilette en cette période
hivernale. Cela intrigue ses voisins et elle dénoncée à Tsarong
Shapé (le gouverneur de Lhassa) qui décide de les laisser tranquille et poursuivre leur
périple.
La rumeur lui apprend
néanmoins qu'Alexandra et Yongden viennent d'arriver à Gyantsé. Le gouverneur en a aussitôt déduit que la dame se lavant tous les matins ne pouvait être qu'Alexandra. Alexandra et Yongden doivent
quitter les lieux.
Après avoir vécu ces années inoubliables, comment aurait-elle pu rentrer en France et se réadapter à
une vie que, délibérément, il y a quatorze ans de cela, elle avait fui ?
De retour en France, Alexandra se sépare alors de Philippe, parcourt la Provence, et c'est Digne qu'elle choisit en 1928 pour y bâtir Samten-Dzong, sa "forteresse de la
méditation". Alexandra est séduite par la beauté de ces pré-Alpes. Elle, qui a parcouru une grande partie de notre globe, n'a à aucun moment regretté de s'être fixée dans cette cité
parfumée de lavande. Elle y publie plusieurs livres qui relatent ses voyages et commente, avec succès, les théories des mystiques et magiciens qu'elle a approchés.
Dix ans passent ainsi. Nous sommes en 1937. Alexandra n'a que 69 ans et conserve une persistante
nostalgie de ces pays lointains.
Alexandra et Yongden repartent donc pour la
Chine. Tous deux reprennent la vie errante, studieuse et quelque peu mondaine d'autrefois.
Tout cela se passe sous les violents bombardements de la guerre sino-japonaise. Alexandra connaît les
pires difficultés ; l'argent n'arrive plus d'Europe ; le froid est rigoureux ; la famine et les épidémies sont dramatiques ; sous ses yeux se déroule un spectacle d'horreur et en 1941, elle
apprend la mort de son meilleur ami, son mari.
10 plus tard, à regret, elle rentre en France pour régler la succession de son mari et, de
nouveau, s'installe à Digne Elle publie de nombreux livres, traduits en plusieurs langues, fait des conférences en France et en Europe. En 1955, elle perd son fils adoptif, son compagnon
de voyage et se retrouve livrée à elle même. Ainsi, pour oublier sa solitude et sa persistante nostalgie du Tibet, Alexandra s'est remise au travail, exprimant encore son désir de retourner
là-bas, probablement pour y poursuivre ses études..
C'est ainsi que cette exceptionnelle femme, à 100 ans et demi, a
fait renouveler son passeport. Elle s'éteint à presque 101 ans le 8 septembre 1969.
C'est à Bénarès, le 28 février 1973, que les cendres de l'exploratrice du Tibet et de son fils adoptif
le Lama Yongden ont été immergées dans le Gange (un fleuve dans l'Inde du nord.)
« Qu'importe le nombre de pays que tu parcours puisque tu as la
pensée qui s'élance au-delà de ce monde à la recherche de l'Infini.» (Alexandra David-Néel)
Alexandra David-Néel : une femme à
l’esprit aventureux mais aussi une grande savante, qui ne demande qu’à être découverte.
Le site officiel
:
http://www.alexandra-david-neel.org/francais/accf.htm
Morgane D.